
Mesdames, Messieurs,
Dans son rapport annuel daté de 1876, John Bost revient sur l’inauguration du pavillon Le
Repos le 10 juin 1875… et il écrit :
« Comme nous l’avions annoncé, la dédicace de cet asile a eu lieu le 10 juin ; mais nous étions loin de nous attendre à une solennité aussi émouvante (…) Elle a été le point de départ d’une fête qui, tous les ans, à pareille, époque, réunira les bienfaiteurs de nos
Églises voisines et les amis qui voudront donner aux troupeau des désolés, une preuve
visible de leur sympathie ».
Et voilà, chers amis, pourquoi nous fêtons aujourd’hui le 150 e anniversaire de la fête au sein de la Fondation.
Mais il y a un détail qui m’a intéressé un peu plus loin dans son rapport…
« Nous sommes enfin installés (…) Nous avions espéré, peu après ce jour, prendre possession de l’asile, mais les difficultés de diverse nature surgirent.
Des travaux à l’intérieur, à l’extérieur durent s’exécuter avant notre entrée. Et surtout, nous n’avions pas trouvé la directrice… »
Toute ressemblance avec des situations existantes ou ayant existé ne serait que purement fortuite !
Et puis… John Bost, exprime quelques déceptions à propos du Repos au point même
de citer un verset biblique :
« Vous aurez des tribulations dans le monde, mais prenez courage » (évangile de Jean,
16,33).
Et il commente : « Cette parole est réalisée dans la courte expérience que nous avons de la direction du repos, mais nos épreuves n’ont eu d’autres résultats que celui de nous montrer la sainteté et la nécessité de cette belle œuvre ».
Autrement dit, c’est bien compliqué dans ce pavillon avec le public accueilli, mais c’est précisément parce que c’est compliqué qu’il fallait créer ce lieu d’accueil !
Une fois encore, toute ressemblance avec des situations existantes ou ayant existé ne serait que purement fortuite !
150 ans après l’ouverture du Repos, le sujet de l’évolution de l’offre de soin et de l’accueil est au cœur de nos réflexions et je vais en dire quelques mots.
J’aborderai un deuxième point pour partager avec vous quelques interrogations sur les modes de financement des activités sanitaires et médicosociales.
Et puis un dernier point sur l’un de nos quatre axes stratégiques, celui consacré au numérique, pour évoquer des perspectives très prometteuses pour le soin et l’accompagnement.
3 points que vous compléterez par la lecture du rapport annuel, un rapport très complet organisé autour de l’ambition du plan stratégique en cours : « permettre à chacun de choisir le projet de sa vie ».
L’évolution de l’offre d’abord…
L’IGAS a rendu public le 25 mars dernier un rapport sur la transformation de l’offre sociale et médicosociale. Ce rapport propose une réforme en profondeur des Établissements et services médico-sociaux pour passer d’un système figé à une offre intégrée, modulaire, centrée sur l’usager, pilotée à l’échelle territoriale, financée à la prestation l’acte, et soutenue par des technologies adaptées et un accompagnement renforcé. Je vous renvoie au rapport pour le détail.
Au sein de la Fondation, cette transformation de l’offre est déjà sur le métier depuis plusieurs mois, conformément au 1 er axe du plan stratégique : « faire évoluer l’offre de soin et d’accompagnement, pour tenir compte des besoins évolutifs sur tous les territoires d’implantation, pour une société plus inclusive ».
En bien des endroits, la dynamique de transformation est lancée : création de places, accompagnement « hors les murs », relocalisation d’activités, nouveaux partenariats territoriaux. Chantier sur l’accompagnement de la « vie intime, affective et sexuelle » ou encore sur « les restrictions de libertés », soutien des équipes par le Laboratoire Autonomie Communication pour des situations d’accompagnement très complexes, dispositifs ouverts vers l’inclusion, etc.
Mais la dynamique est particulièrement marquée ici sur le site historique de la Fondation, où la direction de site a engagé depuis l’été dernier le projet « Crescendo ».
Crescendo porte l’ambition d’une transformation profonde des modalités de soin et d’accompagnement, qui aura des conséquences très importantes sur les organisations, sur les manières d’exercer les métiers, sur l’occupation des espaces, sur la temporalité des séjours, sur les liens avec les partenaires du territoire et bien entendu sur les financements.
Nous allons progressivement quitter la logique des « pavillons », la logique des « lits et des places » (avec des offres de soin et d’accueil figées et souvent statiques dans le temps) pour aller vers une logique de « plateforme de solutions » au sein de laquelle nous construirons avec et pour chaque résident un parcours le plus adapté possible à son projet de vie.
Un parcours adapté, cela signifie aussi des évolutions dans le temps qui seront liées aux attentes de chaque personne et à l’évolution de ses besoins de soin et d’accompagnement.
Nous ne raisonnerons donc plus autour de la notion de « places ou de lits », mais autour
de la notion de « solutions ».
Nous ne raisonnerons plus autour des « pavillons », autour de la notion de MAS, FAM, ESAP etc. mais en « parcours de vie » avec cette conviction solidement ancrée dans la culture John Bost qu’un « mieux est toujours possible » pour la vie de chacun, et ces parcours de vie intégreront différentes étapes et possibilités : évaluation et orientation, hospitalisation (complète, ou de nuit, ou de jour), accompagnement en unité de vie collective adaptée, logement de transition (en vie collective ou seul), appartement en autonomie, accompagnement vers le travail adapté, accompagnement du grand âge, accompagnement à domicile, accompagnement pour une solution proposée par un autre établissement etc.
Et il va de soi que cette « plateforme de solutions » ne pourra se construire que dans un dialogue permanent avec tous les acteurs du territoire pour travailler en complémentarité et pour qu’il y ait le moins de rupture de parcours possible dans la vie d’une personne accompagnée.
Je le redis, cette nouvelle manière d’envisager le soin et l’accompagnement aura des conséquences très importantes sur le bâti, sur l’organisation du site de la Dordogne, sur la manière d’exercer les métiers, sur les relations avec les partenaires du territoire, sur le modèle économique.
Cette dynamique de transformation est en marche ; et tant la mobilisation importante des professionnels du site que l’intérêt porté sur la démarche par les partenaires du territoire et les autorités de tarification, nous montrent que nous écrivons actuellement une nouvelle page de l’histoire de la fondation qui sera un tournant important. Je crois pouvoir dire sans me tromper que vous entendrez parler de cette transformation durablement et qu’elle nous occupera fortement dans les années à venir.
L’environnement économique
Dans le prolongement de ce premier point, j’aborde maintenant un deuxième sujet qui est l’environnement économique dans lequel nous évoluons.
Il ne vous aura pas échappé que la situation des comptes publics de la France est particulièrement difficile. Et nous sentons bien dans ce contexte, que les arbitrages des autorités de tarification pour nous soutenir deviennent complexes. Les dialogues de gestion prennent du temps. Nous attendons des mois, parfois des années avant d’obtenir des réponses. Nous sommes parfois pris en otage de relations complexes entre les départements et les ARS sur la part de financement que chacun peut assurer.
Et s’il y a pu avoir quelques largesses dans le passé pour soutenir nos activités, c’est une époque révolue. Il va falloir nous habituer à trouver des solutions autrement qu’en nous tournant exclusivement vers des financements publics.
Ici aussi, c’est un changement de culture que nous allons devoir opérer. Faire toujours mieux (ou en tous les cas toujours aussi bien) avec moins de financement public. L’équation est difficile.
Mais nous n’aurons pas le choix.
Et cela va nous obliger à être créatif pour construire un modèle économique dans lequel la part des financements publics diminuera, le recours au mécénat et à un réseau de donateurs augmentera et qui sait, peut-être, la mise à contribution des usagers sera nécessaire.
Sans doute faudra-t-il nous inspirer des modèles de financement existants dans d’autres pays. Mais il me semble indispensable que nous engagions cette réflexion dès à présent pour ne pas subir le sujet, mais l’anticiper, et pour être en mesure de ne pas renoncer à l’ambition « génétique de la Fondation » : « Accueillir ceux que tous repoussent » et offrir aux résidents et aux professionnels le meilleur cadre de vie possible.
La Fondation reste très attachée à promouvoir un modèle non lucratif et accessible à tous sans distinction. Mais elle ne pourra le faire durablement qu’à la condition d’une stabilité budgétaire pérenne.
Le défi de la transformation digitale
Quelques mots de fin sur notre 4 e axe stratégique… Le défi de la transformation digitale. L’année 2024 restera marquée par l’organisation d’un voyage au Canada qui a permis à une vingtaine de professionnels, tout métier confondu, et 2 administrateurs de découvrir comment les nouvelles technologies, l’usage du numérique et désormais de l’Intelligence artificielle, permettent de sécuriser le soin et l’accompagnement et d’offrir aux professionnels un pouvoir d’agir renouvelé.
Ce fut un voyage très inspirant qui nous conduit à réfléchir maintenant à la manière d’accompagner les évolutions technologiques au sein de nos établissements.
Plusieurs projets très prometteurs sont en cours : serrures connectées pour éviter des intrusions nocturnes dans les chambres, technologies d’écoute avec interprétation des sons pour aider les professionnels à intervenir à temps, système de détection de crises d’épilepsie… Le champ des possibles est immense et l’émergence très rapide de l’Intelligence artificielle laisse augurer une accélération massive de nouvelles solutions d’assistance. C’est pour la Fondation John
BOST une opportunité passionnante, mais aussi une responsabilité immense. Sur la protection des données personnelles, sur le cadre éthique de l’innovation, sur les changements de pratiques professionnelles, sur la prise en charge financière de l’innovation, bref sur toutes les dimensions de l’accompagnement de l’innovation.
C’est la raison pour laquelle nous engageons actuellement une réflexion sur le rôle et l’évolution du Laboratoire Autonomie Communication qui pourrait être, à terme, un laboratoire d’appui à l’innovation en lien très étroit avec des expertises cliniques menées par les professionnels de terrain, et par ailleurs très attentif aux recommandations de bonnes pratiques professionnelles et aux apports de la science.
Nous voyons bien, dans ce domaine également, se dessiner des transformations qui impacteront le soin et l’accompagnement dans les années qui viennent.
Mesdames et Messieurs, Comme vous le sentez, les transformations engagées appellent de notre part du réalisme, de la volonté et une vraie fidélité à notre vocation. Repenser nos offres, adapter nos modèles économiques, accompagner l’innovation : autant d’exigences qui dessineront l’avenir de la Fondation sans perdre pour autant le fil de l’histoire qui donne une assise très forte au projet institutionnel.
Rien de tout cela ne serait possible sans l’engagement remarquable des professionnels que je tiens à remercier ici avec conviction et reconnaissance. Et j’associe à ces remerciements toutes celles et ceux — donateurs, partenaires, proches — qui soutiennent fidèlement la Fondation. Puisse notre engagement commun continuer de porter loin l’espérance qui anime la Fondation John BOST depuis ses origines.
Je vous remercie.
Guillaume de Clermont,
Directeur général de la Fondation John BOST