Prédication du samedi 14 juin

Jean 7, 37-39

Prédication du samedi 14 juin 2025
par le
 pasteur Christian BaccuetPrésident de lEglise protestante unie de France et invité de la fête 2025

37Le dernier jour de la fête est le plus important. Ce jour-là Jésus, debout, dit d’une voix forte : « Si quelqu’un a soif, il peut venir à moi et boire. 38Celui qui croit en moi, “des fleuves d’eau couleront de son cœur, et cette eau donne la vie”. On lit cela dans les Livres Saints. »

39Par ces mots, Jésus parle de l’Esprit de Dieu. Ceux qui croient en Jésus vont recevoir cet Esprit, mais, à ce moment-là, l’Esprit Saint n’est pas encore venu. En effet, Dieu n’a pas encore montré la gloire de Jésus.

Ce week-end, c’est la fête ! Depuis 150 ans, chaque année, la force d’une histoire, d’une aventure. Belle tradition que celle de faire la fête ! La Fondation existe depuis plus longtemps que la fête ; faisaient-ils la fête avant ? Mais la question pour nous aujourd’hui est : ferons-nous la fête après ?

La fête est en effet nouvelle chaque année, elle se prépare longtemps à l’avance et elle nous projette dans la suite des jours.

La fête est une dynamique, comme le dit le thème de cette année : « Dansons la vie ». La danse estmouvement, joie, même quand on ne sait pas bien danser, même quand notre corps ne nous permet pas de danser, même quand la vie est complexe, paralysante. La fête, entre tradition et dynamique de vie, c’estun regard en arrière et des pas en avant.

En France, on exprime souvent notre identité en termes de racines. On est « Français de souche ». Expression forte qui dit l’importance des racines, mais qui contient le risque d’une image statique. On en devient parfois figé, fermé, hostile à ceux dont les racines sont ailleurs. Il paraît qu’en Afrique on dit qu’on est « Africain de source ». Belle expression qui dit l’origine et aussi le voyage, fluidité et vie, rencontres et espérance.

La source, l’eau qui jaillit, fraiche et vive, pure et généreuse. C’est le cœur du passage de l’évangile de Jean que nous venons de lire, avec de magnifiques phrases de Jésus : « Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi et qu’il boive. “Celui qui croit en moi, des fleuves d’eau vive jailliront de son cœur, et cette eau donne la vie” ».Boire à la source et en vivre, être soi-même source pour d’autres, quel beau programme ! Jésus parle de soif et de boire, de croire et de vivre.

La soif est le besoin humain le plus grand, avec la respiration. Cela ne concerne pas que les êtres humains ;tout être vivant, animal ou plante, a besoin d’eau. Boire c’est vivre.

Nous avons tous soif. C’est un besoin élémentaire pour vivre, physiquement mais bien plus encore. Nous avons besoin de sens pour bien vivre – et pas que survivre. En particulier, nous avons besoin de relations, d’exister pour d’autres que nous-même, avec d’autres que nous-même. Besoin de solidarité, de partage, d’amour et d’amitié. Nous sommes pleinement humains quand nous sommes en relation avec d’autres.Vous le savez bien ici, vous le vivez au quotidien.

Nous avons tous soif, de vie et de sens. L’enjeu, c’est de pouvoir se désaltérer, régulièrement, pour continuer à vivre, à partager, à aimer.

« Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi et qu’il boive », dit Jésus. Il prononce ces paroles à Jérusalem le dernier jour de la fête des Tentes, appelée aussi Soukkot. Cette fête était une des trois grandes fêtes de pèlerinage à Jérusalem. Elle avait une triple résonnance. 

Elle était fête de récolte, entre mi-septembre et mi-octobre, fête de la fécondité de la terre qui, arrosée par des pluies bienfaisantes, donne du fruit, fête de la reconnaissance pour le présent que Dieu donne à vivre.

Elle était aussi mémoire du séjour du peuple hébreu dans le désert, sous la conduite de Moïse, et de la protection de Dieu pendant l’exode ; c’est pour cela qu’elle était fête des « tentes », car on y fabriquait des tentes pour rappeler l’itinérance du peuple dans le désert. Elle était ainsi fête de la mémoire des temps d’épreuve, de soif et de grâce. Rappelez-vous, lors du séjour dans le désert, de l’eau qui a surgi du rocher quand le peuple avait soif, à Massa et Meriba (Exode 17, 1-7), signe de la grâce de Dieu quand le peuple désespère. 

Elle était enfin célébration de l’attente que Dieu vienne à nouveau séjourner parmi les siens ; l’eau y était symbole de l’espérance. Rappelez-vous le prophète Esaïe qui, pendant l’exil à Babylone au VIe siècle avant notre ère, annonçait la bonne nouvelle que Dieu n’avait pas oublié son peuple et qu’il allait le faire revenir : « Ils ne souffriront plus de la faim ou de la soif. Ni le vent brûlant du désert ni le soleil ne leur feront de mal. Avec amour, je les conduirai se rafraîchir aux sources » (Esaïe 49, 10). Rappelez-vous les paroles duprophète Ezéchiel qui annonçait le jaillissement d’une source d’eau vive du temple de Jérusalem au jour de l’accomplissement des temps (Ezéchiel, 47, 1-12). Dans la Bible, l’eau signifie la présence de Dieu et le souci de son peuple. Soukkot était fête de l’espérance.

A Jérusalem au temps de Jésus, le septième jour de cette fête, les prêtres et les pèlerins allaient chercher de l’eau à la fontaine de Siloé puis revenaient au Temple pour asperger l’autel des sacrifices avec cette eau : eau symbole de vie, eau symbole du salut, eau signe de la présence de Dieu, eau signe de l’espérance. 

« Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi et qu’il boive », dit Jésus.

Prononcés dans le contexte de cette fête, ces quelques mots disent que la reconnaissance, la mémoire et l’espérance sont en lui. Désormais c’est de Jésus que l’eau de la présence de Dieu jaillit. C’est en lui que se trouve la vie ! Jésus s’inscrit ainsi dans la continuité et l’accomplissement de l’histoire biblique. Il est la source d’eau vive.

Le Christ est la source de notre vie, de notre vie personnelle et de notre vie ensemble. C’est un appel à revenir sans cesse à cette source, non pas comme chemin de régression mais comme élan de vie. La rivière qui perd sa source finit par devenir un chemin sec. Revenir à l’Evangile comme à l’eau fraiche qui nous porte et nous emporte, c’est rester vivant.

Voilà pourquoi nous commençons cette fête par un culte : pour que l’Evangile soit la source de notre foi et de nos engagements. Boire à la source… et devenir soi-même source ! « Celui qui croit en moi, des fleuves d’eau vive jailliront de son cœur », dit Jésus. Celui ou celle qui « croit » en moi…

Qu’est-ce que croire ? Nous confondons souvent croire « que » et croire « en ».

« Croire que », c’est une affaire de mots, de doctrine, de savoir. C’est une souche qui construit et peut séparer. C’est un besoin mais aussi un piège, celui des certitudes et des murailles. Nous croyons tous en quelque chose, et les mots peuvent nous unir dans une croyance partagée, mais ce n’est pas toujours clairet pour certains ce n’est pas possible.

« Croire en » est différent, cela exprime la relation, la confiance. On sait l’importance de dire à quelqu’un :« je crois en toi ». C’est une parole de rencontre, comme une danse d’ouverture, de vie, d’accueil. Une source. Nous avons tous confiance en quelqu’un.

Croire, est-ce d’abord la foi objective, qui s’attache à un objet, ou la subjective, qui fait de nous des sujets ?

Si j’ai soif, je peux demander un verre d’eau, et dire ce que je sais sur l’eau, H2O, de l’hydrogène et de l’oxygène. Je peux aussi me laisser aller au plaisir de boire cette eau fraiche. La foi mise en mots et en pensée est importante, à condition qu’elle soit inscrite dans la foi relation de confiance, relation à Dieu qui ouvre à la relation aux autres.

Quand, en protestantisme, on confesse que l’on est sauvé par la foi, c’est de cette foi-confiance dont il s’agit. Dans la relation de confiance mutuelle entre Dieu et nous se tient le salut, c’est-à-dire la plénitude de vie donnée à notre existence, la juste relation à Dieu et à soi-même. Elle est donnée, dans la foi, par la grâce de Dieu, celui qui nous dit, dans l’Apocalypse : « Celui qui a soif, je lui donnerai à boire gratuitement à la source d’eau de la vie » (Apo 21, 6).

Confiance à vivre et à partager. L’étymologie de « confiance », c’est cum – avec – et fide – la foi. La confiance, c’est croire ensemble. Je ne suis pas seul. Il y a d’autres que moi. Cela est présent dans les paroles de Jésus qui parle de « celui qui a soif », « celui qui croit », et de « ceux qui croient ». Croire, c’est croire avec, croire ensemble, y croire ensemble. L’Evangile n’est pas d’abord doctrine mais vie. La foi n’est pas d’abord adhésion mais relation. Ensemble, en Eglise, cette Eglise qui n’a pas de limite mais un cœur, le Christ.

Vous le vivez ici, à la Fondation. Bien sûr, ce n’est pas toujours facile. Il y a des souffrances, des épreuves, des échecs. Il faut rester vigilant car on peut devenir comme une souche morte, s’enfermer dans le savoirtechnique ou les règles administratives. Il importe de ne pas oublier le sens de la vie, la relation, la confiance partagée qui prend sa source dans la confiance que Dieu nous fait, en Jésus-Christ.

Ce n’est pas facile, demain comme hier. Au cœur de la fête au cours de laquelle Jésus donne ces paroles, il est célébré et recherché, rejeté et suivi. Les autorités veulent le faire mourir, la foule est balancée entre l’hostilité et la suivance. Jésus intrigue, passionne, questionne, irrite. Ce n’est pas facile.

Comment faire la fête dans un contexte difficile ? Comment continuer à vivre et à déployer la vie ?

Pour rester sans cesse liés à la source de l’Evangile, nous sommes appelés à être disponibles à trois dimensions, qui sont présentes dans les quelques versets que nous avons lus.

L’Ecriture. La Bible est une formidable histoire de rencontres et d’expériences, heureuses et douloureuses, dramatiques et belles, destructrices et fondatrices. Jésus cite l’Ecriture, il inscrit sa mission en elle. Fruit de générations jusqu’à nous, elle est Parole vive de Dieu pour nous, une source de vie.

L’Espérance, qui n’est pas regard en arrière mais vie aujourd’hui portée vers demain. Non pas fuite en avant dans un inconnu anxiogène fait de catastrophes, ou fantasmé dans un avenir d’intelligence artificielle ou de transhumanisme. Cette espérance se nomme Christ, le crucifié ressuscité, qui traverse pour nous et avec nous le réel et la mort pour nous ouvrir à l’amour et à la vie, dans un au-delà de nos désespérances.

L’Esprit saint, souffle de Dieu, présence de Dieu aujourd’hui, du Christ vivant.

Ecriture, Espérance, Evangile… trois « E ». Et on peut mettre ces trois « E » dans le même panier : L’Evangile !

L’Evangile… la fête commence ! Fête qui a commencé le premier jour du monde, qui a recommencé au matin de Pâques, qui se renouvelle jour après jour depuis Pentecôte. Fête à la source qui rafraichit, qui nous désaltère et qui, par nous, partage la vie dans ce monde. Quel beau programme… Dansons la vie, maintenant !

Amen.


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